27 août 2009

Sax, merguez et rock'n'roll

Voilà, c'est le début de la fin d'une époque. René des Musclés vient de quitter la surface de la Terre pour rejoindre Michael Jackson dans une station orbitale. Qui sera le prochain, qui ? Le Dr Klein ? Pat le Guen ? Roxan ? Trop occupé par la grippe H1N1, le gouvernement ne semble plus se soucier du sort des stars de notre enfance.

René des Musclés, c'était l'incarnation de la sagesse au milieu d'une bande de joyeux drilles. Affectueusement surnommé Papy René, en référence à son grand âge, dans la série culte Salut les Musclés, le doyen du groupe savait malgré tout charmer les dames et n'avait (presque) rien à envier à Framboisier.

René, c'était avant tout le témoignage d'une époque. Né en 1890, il a traversé le siècle au cours duquel tout a changé. Les livres d'histoire retiendront certainement ce soir de Noël 1915 où, lors d'une trève de quelques heures entre les Allemands et les Poilus des tranchées de Verdun, un jeune saxophoniste du nom de René s'était tapé un boeuf avec Klaus le joueur de bandonéon.

Ou cet épisode, en 1929, d'un René jouant de son instrument dans les rues d'un Paris à l'aube de la grande dépression.

40 ans plus tard, René enflammait la scène de Woodstock. Véritable derviche tourneur du saxophone, il enchaînait des solos psychédéliques de vingt minutes jusqu'à en avoir des hallucinations dans lesquelles lui apparaissaient Jésus Christ et Adolf Hitler en personne. Mais par un malheureux concours de circonstances comprenant un combat avec un dinosaure, la combustion spontanée d'un véhicule de l'US Army et la formation de trois crop circles, toute trace de cet évènement disparut des registres du festival de rock et des mémoires des spectateurs.

20 ans plus tard, René tient enfin sa revanche : nous sommes en 1989, et le brûlot rock progressif teinté d'acid jazz La Fête au Village domine le Top 50. Artiste complet s'il en est, René brille sur le morceau non pas au saxophone mais à l'accordéon, autre instrument qu'il maîtrise à la perfection. "Papy" René est alors âgé de 99 ans.

Mais que sont les années lorsqu'on a la rage de vivre et l'énergie de René ? Accompagné des Musclés Framboisier, Minet, Rémy et Eric, l'artiste enchaîne les tubes. Moi j’aime les filles (n°12 en 1989), La Merguez party (n°25 en 1990), La Musclada (n°8 en 1991)... René et les Musclés obtiennent cinq disques d'or dans leur carrière.

La musique ne suffit plus à satisfaire l'appétit intellectuel de René. Il se lance dans une carrière de comédien, interprétant avec brio son propre rôle dans Salut les Musclés puis la Croisière Foll'amour. Les performances de René l'acteur sont telles que Pierre Arditi en personne déclarera en 2009 : "Ne téléchargez pas mes téléfilms."

En 1997, la Croisière Foll'amour rentre au port, c'est la fin de la carrière d'acteur de René. Bien qu'il ne fut à aucun moment nominé aux Césars, René garde la tête haute ; à l'inverse d'un Dany Boon, le grand René conçoit que son Art dérange - en remettant en question l'ensemble des codes de la comédie et de la tragédie classiques, René bouleverse un écosystème qui, appeuré, préfère s'enfouir la tête dans le sable à l'aide d'œillères utilisées comme de petites pelles permettant de creuser les trous nécessaires à l'enfouissement de la tête.

A la fin des années 90, René décide de prendre du recul. Sax, merguez et rock'n'roll... René a fait toutes les expériences y compris les plus extrêmes. Il a vécu une vie de rock star - et au contraire d'un Jimi Hendrix, d'un Kurt Cobain, d'un Brian Johnson ou d'un Keith Moon, il y a survécu.

Apaisé, accompli, tel un maître Shaolin au crépuscule d'une vie bien remplie, René se retire de la scène pour laisser la place à une nouvelle génération. Plus de dix ans après, le monde attend toujours le nouveau René, tandis que le véritable Papy René tire sa révérence de façon définitive et irréversible, le 26 août 2009...

René des Musclés avait 119 ans.

7 commentaires:

Dr Chewbacca a dit…

Bonus :
> "René n'est pas mort !" - Un reportage de juin 2000 (un recyclage du Prophet Show, sur Alligators 427)
> Le pire article sur le sujet de la mort de René a été écrit par les journalistes professionnels du Monde, qui ont en gros recopié la fiche Wikipedia de l'artiste, en supprimant quelques informations, et en ajoutant une vidéo. Ah oui, et en mettant "Les Musclés" entre guillemets. Comme quand on parles des "Rolling Stones", de "U2" ou d'"Alliance Ethnik". Avec des guillemets autour des noms de groupes. A lire ici.

LE Nelge a dit…

Le dernier monstre sacré nous a quitté.

C'est chié quand même.

Walex a dit…

Quel bel hommage ! Bravo !
Mas ce grand homme le méritait bien... La formule "Voilà, c'est le début de la fin d'une époque" est tellement bien trouvée...
Pets à son âme !

Dr Chewbacca a dit…

Bonus : le témoignage de Corbier

Bischa a dit…

Pauvre René, il nous manquera tellement. C'est une partie de notre enfance qui meurt avec lui. MY GOD !!!

LE Nelge a dit…

Hommage de la RTBF

Je pense que c'est un stagiaire de notre génération qui l'a pondu pour avoir aussi bien compris que le rap des musclés était le toop de leur carrière.

Dr Chewbacca a dit…

En effet, le journaliste de la RTBF qui a écrit l'article est visiblement un connaisseur. Non seulement il a su apprécier le rap des musclés à sa juste valeur, mais en plus il en cite le meilleur passage, la fameuse phrase d'anthologie, "C'est pas parce que les riches ont de l'argent qu'il faut que les pauvres n'aient pas d'argent. Les pauvres ont aussi le droit d'être riches, et les filles de nous embrasser".

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